Volume 1 : Au-delà de l’horizon : les intérêts et l’avenir du Canada dans l’aérospatiale – Novembre 2012

Partie 3
Analyse et recommandations (suite)

Chapitre 3.2
Avoir accès aux chaînes d'approvisionnement et aux marchés mondiaux

Il est essentiel de stimuler l'innovation pour assurer l'avenir de l'industrie aérospatiale canadienne. Mais il faut aussi trouver suffisamment de clients pour vendre les nouveaux produits plus sophistiqués rendus possibles par l'innovation, sans quoi il sera impossible de réaliser un bénéfice intéressant. Étant donné l'envergure mondiale de l'industrie aérospatiale — et la taille modeste du marché canadien —, l'accès aux chaînes d'approvisionnement et aux marchés mondiaux s'avère indispensable.

L'industrie canadienne a bien fait à cet égard. Elle tire 80 % de ses revenus des ventes à l'étranger, et a gagné le respect partout dans le monde par la qualité de ses produits et la fiabilité de ses services. Ces succès passés ne sont toutefois pas garants du rendement futur. La progression de nouveaux acteurs déterminés, la pression exercée sur les fournisseurs pour qu'ils se regroupent et se concentrent davantage sur le développement de technologies, ainsi que le taux de change élevé font que les entreprises aérospatiales canadiennes devront redoubler d'efforts pour maintenir et accroître leur place dans les chaînes d'approvisionnement et les marchés à l'étranger. Les politiques et les programmes publics doivent évoluer au même rythme.

Figure 17 : Intensité de l'exportation des industries de fabrication, 2010
Figure 17 : Intensité de l'exportation des industries de fabrication, 2010
Description de la figure

Ce diagramme à barres horizontales montre l'intensité de l'exportation (en pourcentage) de 21 industries de fabrication canadiennes en 2010. L'intensité de l'exportation de l'industrie de la fabrication de produits aérospatiaux et de leurs pièces s'élève à environ 80 % et arrive au premier rang de toutes les industries, suivie par la fabrication de véhicules automobiles et de leurs pièces, avec une intensité de l'exportation de près de 76 %. L'industrie qui affiche la plus faible intensité est celle des boissons et produits du tabac, à environ 8 %.

Source : Fondé sur des données de Statistique Canada.
Note : L'intensité de l'exportation est calculée en divisant les ventes à l'exportation par le total des ventes.

Bien entendu, les politiques et les programmes ne peuvent pas garantir que les entreprises enregistreront des ventes. Ils peuvent toutefois contribuer à donner l'assurance que les entreprises aérospatiales canadiennes qui se lancent sur le marché mondial rivalisent à armes égales, ont droit à un traitement impartial et possèdent l'information nécessaire pour conclure des marchés. Telle est la logique à la base de la Stratégie commerciale mondiale du Canada, publiée en 2009, qui fait actuellement l'objet d'une mise à jour.

Les entreprises canadiennes qui souhaitent faire des affaires à l'étranger reçoivent déjà un appui pour prendre part aux salons et expositions aéronautiques. En outre, les délégués commerciaux en poste dans les ambassades et les consulats du Canada leur fournissent des renseignements commerciaux et les mettent en contact avec des entreprises étrangères. Les entreprises ont aussi accès au financement offert par Exportation et développement Canada (EDC), qui facilite les ventes d'aéronefs, de systèmes et de composants canadiens. Elles ont également accès à l'aide de la Corporation commerciale canadienne, qui peut faciliter les ventes aux gouvernements étrangers en faisant office d'entrepreneur et de garant. L'industrie canadienne apprécie les services offerts par ces organismes.

Sous les auspices de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada et d'autres pays où l'industrie aérospatiale est bien établie ont négocié l'Accord sectoriel sur les aéronefs civils, qui définit les paramètres pour le financement accordé par EDC et les organismes de crédit à l'exportation d'autres pays. De même, les règles commerciales établies par l'entremise de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) peuvent être invoquées par tout pays membre estimant qu'un autre membre a subventionné indûment son industrie aérospatiale nationale. L'aide fournie à quatre des principaux FEO dans le monde — Boeing, Airbus, Bombardier et Embraer — a été contestée à un moment ou l'autre en vertu du processus de l'OMC.

Le Canada a aussi mis en place une série de mesures de contrôle des exportations et de contrôle intérieur pour s'assurer que les technologies confidentielles ne tombent pas dans les mains d'organisations ou de pays posant des problèmes de sécurité. Ces mesures de contrôle aident le Canada à s'acquitter de ses obligations internationales en matière de sécurité et à donner aux États-Unis — qui demeurent le principal marché et partenaire de l'industrie aérospatiale canadienne — l'assurance que leur industrie peut partager et développer conjointement des technologies aérospatiales avec les entreprises canadiennes sans mettre en péril la sécurité nationale.

Enfin, Transports Canada certifie que les nouveaux concepts d'aéronefs sont conformes aux normes de sécurité reconnues internationalement, après quoi il facilite la certification dans d'autres pays, ce qui permet la vente à l'étranger d'aéronefs de conception canadienne. L'expertise de Transports Canada est réputée sur la scène internationale, et sa capacité à s'acquitter de ses tâches rapidement tout en assurant le respect des normes de sécurité les plus élevées est essentielle pour que les entreprises canadiennes de l'aérospatiale connaissent du succès sur les marchés d'exportation.

Ces services et ces régimes contribuent grandement à donner aux entreprises aérospatiales canadiennes une chance réelle de faire des affaires à l'étranger. Mais, étant donné l'évolution du contexte, cela n'est pas suffisant.

Exportation et développement Canada et le financement en aérospatiale

Exportation et développement Canada (EDC), organisme de crédit à l'exportation du Canada, applique des principes commerciaux en fournissant des services financiers tels que l'assurance contre les risques commerciaux, l'assurance investissement, les garanties de fonds de roulement et un financement direct aux entreprises canadiennes et aux acheteurs étrangers de biens canadiens. Son mandat concorde avec le rôle que les gouvernements jouent partout dans le monde en finançant les ventes à l'exportation de l'industrie aérospatiale, un rôle qui reflète l'ampleur des transactions financières et des risques connexes.

Tout le financement accordé par EDC au titre des ventes dans l'industrie aérospatiale est offert selon les modalités définies dans l'Accord sectoriel sur les aéronefs conclu sous les auspices de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Cet accord vise à uniformiser les règles du jeu en matière de financement des ventes parmi les fabricants d'aéronefs en faisant en sorte que la concurrence soit fondée sur la qualité et la compétitivité commerciale des appareils plutôt que sur les modalités de financement les plus avantageuses. Il définit les modalités de financement les plus basses que les gouvernements peuvent accorder par l'intermédiaire de leurs organismes de crédit à l'exportation. Outre le Canada, les autres parties à l'Accord sont l'Australie, le Brésil, la Corée du Sud, les États-Unis, le Japon, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, la Suisse et l'Union européenne.

Dans le cadre du Plan d'action économique du Canada publié en 2009, le gouvernement fédéral a temporairement permis à EDC d'accorder des prêts sur le marché intérieur sans être assujetti à l'obligation habituelle d'obtenir une autorisation ministérielle. Ces pouvoirs lui permettent d'accorder des prêts aux compagnies aériennes canadiennes pour de nouveaux appareils construits au pays, selon les modalités prévues par l'Accord sectoriel sur les aéronefs civils.

Recommandation no 7 : Des accords multilatéraux plus inclusifs

Les accords multilatéraux, comme l'Accord sectoriel sur les aéronefs civils de l'OCDE et les accords de l'OMC, aident à faire en sorte que les vendeurs de différents pays rivalisent dans des conditions équitables et uniformes, et ils empêchent les gouvernements d'utiliser des fonds publics considérables pour procurer à leurs entreprises un avantage indu. Ces accords nécessitent parfois d'âpres négociations s'étendant sur plusieurs années, mais tant que toutes les parties les respectent, ils atténuent le risque que les États augmentent constamment leurs dépenses en réaction aux mesures prises par un autre État. Pour un pays comme le Canada — avec son bassin de population relativement faible, son importante industrie aérospatiale axée sur les exportations, et son engagement en faveur de la probité financière —, c'est essentiel.

Les accords internationaux actuels qui façonnent les échanges commerciaux de produits aérospatiaux ont fait leurs preuves, mais ils sont actuellement mis à l'épreuve par deux facteurs. Premièrement, les nouvelles puissances montantes en aérospatiale, comme la Chine et la Russie, qui sont prêtes à investir massivement des ressources publiques et à tirer parti de l'influence de l'État pour implanter leur secteur de l'aérospatiale, ne sont actuellement pas parties à l'Accord sectoriel sur les aéronefs civils. Les entreprises du Canada et d'autres puissances aérospatiales bien établies peuvent donc se trouver défavorisées pour des raisons n'ayant rien à voir avec la qualité de leurs produits et services, la productivité de leur main-d'œuvre ou leur compétitivité sur le plan des coûts.

Deuxièmement, il y a un manque de clarté dans les règles de l'OMC concernant le type et le niveau d'appui public admissible pour les entreprises aérospatiales. Cette ambiguïté a entraîné des différends longs et parfois coûteux portant sur l'interprétation et l'application de ces règles.

Il est recommandé que le gouvernement s'efforce de faire participer les acteurs émergents de l'industrie aérospatiale à des accords multilatéraux créant des conditions équitables et compétitives pour les entreprises aérospatiales canadiennes, et de faire clarifier les règles régissant l'aide publique aux industries aérospatiales nationales.

De toute évidence, il n'est pas du ressort exclusif du gouvernement du Canada de modifier les accords internationaux et d'en élargir la portée, mais les gouvernements sont les seuls à pouvoir faire avancer la négociation de règles internationales qui interdisent les subventions faussant les échanges commerciaux, réduisent les frictions et permettent à tous les concurrents de rivaliser à armes égales. Les enjeux pour le Canada sont très élevés, et le pays peut défendre ses intérêts efficacement sur la scène internationale. La compétitivité à long terme de l'industrie aérospatiale canadienne sur la scène mondiale sera renforcée si le gouvernement collabore avec succès avec des pays ayant des vues similaires pour clarifier les règles de base concernant le soutien intérieur et pour convaincre la Chine, la Russie et d'autres pays où l'industrie aérospatiale est en plein essor d'adopter un régime fondé sur des règles régissant la production et l'exportation de produits aérospatiaux.

Recommandation no 8 : Davantage d'accords bilatéraux

Aux accords multilatéraux peuvent s'ajouter des accords bilatéraux plus approfondis qui facilitent les échanges commerciaux de produits aérospatiaux et spatiaux ainsi que la collaboration entre les entreprises aérospatiales et spatiales et les chercheurs du Canada et des pays partenaires. Qu'il s'agisse de vastes accords-cadres économiques ou d'accords plus sectoriels, ils peuvent contribuer grandement à accroître les débouchés qui s'offrent aux entreprises aérospatiales et spatiales canadiennes.

Quand un accord commercial assez complet est en place, les accords bilatéraux peuvent apporter une valeur ajoutée en abordant des aspects très précis, par exemple en clarifiant les restrictions à l'exportation liées à la sécurité, en ouvrant sur une base bilatérale les possibilités d'approvisionnements publics pour des produits et services aérospatiaux et spatiaux destinés à un usage commercial ou militaire, et en permettant une plus grande mobilité des personnes qui possèdent des compétences essentielles. Dans d'autres cas où les accords-cadres existants sont limités, un accord sectoriel bilatéral permet de renforcer la relation commerciale globale tout en encourageant la collaboration et l'ouverture des marchés pour les produits et services aérospatiaux et spatiaux.

Les accords bilatéraux ne devraient pas être des ententes pro forma. Pour aider vraiment les entreprises et les chercheurs — et ne pas se limiter à des énoncés généraux de bonnes intentions, comme c'est le cas de nombreux accords et protocoles d'entente bilatéraux —, ils doivent prévoir des mesures pratiques et précises, assorties de ressources adéquates, et intégrées dans des plans de mise en œuvre et de gestion détaillés.

Il est recommandé que le gouvernement négocie des accords bilatéraux avec les pays où un marché potentiel et des possibilités de partenariat sont susceptibles de bénéficier au Canada et aux secteurs canadiens de l'aérospatiale et de l'espace.

Pour donner l'assurance que ces accords font avancer les intérêts du Canada, ils doivent :

  • être négociés avec la participation de l'industrie, des chercheurs et des gouvernements provinciaux;
  • prévoir une réciprocité véritable concernant les retombées probables pour chaque pays, y compris un meilleur accès des entreprises canadiennes aux marchés en expansion et aux chaînes d'approvisionnement;
  • protéger adéquatement la propriété intellectuelle et les investissements canadiens dans les pays partenaires. Un certain échange de technologies est inévitable dans le contexte d'une production mondialisée et de partenariats transnationaux, mais un tel échange doit être négocié de plein gré par les entreprises sur la base de considérations commerciales.

Le Canada entretient des relations sectorielles relativement étroites avec les États-Unis, l'Europe et le Japon, mais il est possible d'avoir recours à des accords bilatéraux pour dynamiser ces relations et renforcer la collaboration, les échanges commerciaux et l'investissement dans le domaine de l'aérospatiale et de l'espace.

La Chine, la Russie, l'Inde et le Brésil sont au nombre des pays émergents avec lesquels le Canada devrait envisager d'établir ou de consolider des accords axés sur les secteurs de l'aérospatiale et de l'espace. Chacun de ces pays offre aux avionneurs et aux fabricants de systèmes et de composants aérospatiaux et spatiaux un marché en pleine expansion ainsi qu'une possibilité croissante de partenariats fructueux. Par ailleurs, les politiques publiques et les pratiques informelles en place peuvent faire obstacle aux entreprises canadiennes qui cherchent à faire des ventes et à établir des relations commerciales. Les accords entre gouvernements peuvent aider à éliminer ces obstacles.

Recommandation no 9 : Diplomatie économique de haut niveau

Dans quelques secteurs, le prix élevé et le prestige des projets ainsi que les retombées des ventes pour les économies nationales font en sorte que les dirigeants nationaux et les hauts fonctionnaires déploient des efforts vigoureux et manifestes pour procurer un avantage aux entreprises de leur pays. Sur cette liste relativement courte figurent les centrales nucléaires, le matériel militaire d'envergure, les grands projets d'infrastructure — et l'aérospatiale.

La diplomatie « commerciale » ou « économique » s'entend des activités menées par les hauts dirigeants et fonctionnaires pour soutenir les activités commerciales internationales des entreprises de leur pays. Comme le souligne le Groupe de travail sur l'accès aux marchés et le développement des marchés :

« Étant donné que de nombreux pays considèrent le secteur de l'aérospatiale comme une industrie clé d'importance stratégique et nationale, il est essentiel de pratiquer la "diplomatie économique" et de soutenir les campagnes de promotion des industries canadiennes afin de compléter les efforts déployés par les entreprises canadiennes à l'étranger. Cette démarche jette souvent les bases de relations d'affaires. »

Rapport final du Groupe de travail sur l'accès aux marchés et le développement des marchés, septembre 2012.

Chine et Allemagne

Photo de la cérémonie de signature d'un contrat d'Airbus entre la Chine et l'Allemagne
Juin 2011 : Les sociétés chinoises China Aviation Supplies Holding Company et ICBC Leasing concluent des accords d'une valeur d'environ 7,8 milliards de dollars américains portant sur l'acquisition de 88 appareils de la famille A320 d'Airbus.
Sur la photo, de gauche à droite : (debout) Wen Jiabao, premier ministre chinois; Angela Merkel, chancelière allemande; (assis) Li Xiaopeng, premier vice-président directeur d'ICBC et président du conseil d'ICBC Leasing; Tom Enders, président et chef de la direction d'Airbus; Li Hai, président de la China Aviation Supplies Holding Company.
Source : Airbus.
Photo : Guido Bergmann.

Brésil et Chine

Photo de la cérémonie de signature d'un contrat d'Embraer entre le Brésil et la Chine
Avril 2011 : Embraer vend 35 avions commerciaux E-190 à la Chine. Cette commande est évaluée à 1,4 milliard de dollars américains
Sur la photo : la présidente du Brésil Dilma Rousseff et son homologue chinois Hu Jintao se serrent la main.
Source : Photo de Xinhua.

Indonésie et États-Unis

Photo de la cérémonie de signature d'un contrat de Boeing entre l'Indonésie et les États-Unis
Novembre 2011 : La société Lion Air d'Indonésie fait l'acquisition de 230 avions Boeing 737, pour environ 22 milliards de dollars américains. Il s'agit de la plus importante commande commerciale de l'histoire de Boeing.
Sur la photo, de gauche à droite : (debout) Edward Sirait, directeur des affaires de Lion Air; Robert Morin, vice-président des transports de l'Export-Import Bank; Dinesh Keskar, premier vice-président, ventes — Asie-Pacifique et Inde pour Boeing; Barack Obama, président des États-Unis; (assis) Rusdi Kirana, président de Lion Air; Ray Conner, premier vice-président de Boeing.
Source : Avec l'autorisation de la Maison-Blanche.

Partout dans le monde, les présidents, les premiers ministres, les ministres et les hauts fonctionnaires aident à ouvrir des portes pour les entreprises aérospatiales de leur pays en faisant valoir leurs points forts et leurs succès. Pour des motifs quasi culturels, le Canada hésite à pratiquer ce type de « diplomatie » vigoureuse. C'est certes aux entreprises elles-mêmes qu'incombe la concrétisation des ventes, mais il est important d'attirer l'attention des entreprises et des gouvernements étrangers sur les aéronefs et les systèmes aérospatiaux de calibre mondial que peut offrir l'industrie canadienne. Les entreprises indiquent que les gouvernements étrangers ont pris note de l'approche relativement passive adoptée par le Canada et l'interprètent parfois comme un manque d'enthousiasme ou d'engagement à l'égard des produits canadiens. Dans de nombreux pays, l'engagement entre États joue un rôle très important dans le succès des transactions commerciales au sein de l'industrie aérospatiale.

Il est recommandé que la diplomatie économique de haut niveau soit utilisée d'une manière réfléchie et explicite pour encourager les entreprises et les gouvernements étrangers à envisager favorablement les produits aérospatiaux canadiens.

Cette diplomatie peut être confiée aux hauts dirigeants politiques, aux ministres délégués, aux hauts fonctionnaires ou aux hauts gradés des Forces canadiennes. Chaque effort sera à la mesure de l'opportunité et des interlocuteurs, mais le Canada doit adopter une approche plus résolue.

Recommandation no 10 : Une approche équilibrée en matière de mesures de contrôle des exportations et de contrôle intérieur

L'accès des entreprises canadiennes aux chaînes d'approvisionnement et aux marchés mondiaux est influencé non seulement par les accords internationaux, les accords bilatéraux et la diplomatie économique, mais aussi par les régimes de contrôle des exportations et de contrôle intérieur. Ces mesures, qui visent à assurer une protection contre la fuite de technologies et de biens stratégiques, sont nécessaires pour assurer la sécurité nationale et préserver les relations commerciales privilégiées que le Canada entretient avec les États-Unis.

Contrôle des exportations et contrôle intérieur

Contrôle des exportations

Le contrôle des exportations vise à faire en sorte que les technologies et biens stratégiques ne soient pas accessibles par des pays ou des organisations qui pourraient les utiliser d'une façon préjudiciable à la sécurité du Canada ou à la paix et à la stabilité mondiale. Ces biens et technologies figurent sur la Liste des marchandises d'exportation contrôlée, approuvée par les membres de divers régimes étrangers de contrôle des exportations, qui est principalement fondée sur des accords multilatéraux et bilatéraux de non-prolifération. Les marchandises qui figurent sur la Liste vont de l'uranium enrichi aux capteurs optiques, en passant par les systèmes de missile.

En complément de la Liste des marchandises d'exportation contrôlée, il existe une Liste des pays visés qui cible certains pays vers lesquels toutes les exportations sont contrôlées. À l'heure actuelle, la Corée du Nord et le Bélarus sont les seuls pays qui figurent sur la Liste des pays visés.

Chaque pays administre son régime de contrôle des exportations à sa façon. Au Canada, l'exportation de marchandises contrôlées doit être préapprouvée au moyen de licences d'exportation délivrées par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, conformément à la Loi sur les licences d'exportation et d'importation.

Contrôle intérieur

Pour veiller à ce que les technologies et biens stratégiques ne tombent pas entre les mains de personnes au Canada qui pourraient les utiliser pour menacer la sécurité du pays et des alliés, le Règlement sur les marchandises contrôlées a été établi selon la Loi sur la production de défense. Administré par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, ce règlement sert à prévenir la possession ou le transfert illicites de marchandises contrôlées au Canada. Les marchandises contrôlées sont un sous-ensemble de marchandises de la Liste des marchandises d'exportation contrôlée et comprennent notamment des armes, de l'équipement militaire et des systèmes mondiaux de localisation par satellite.

Tout porte néanmoins à croire que le Canada interprète et applique actuellement les mesures de contrôle d'une manière trop radicale et rigide qui, dans certains cas, va plus loin que la pratique de Washington. Cette sévérité réduit la capacité des industries aérospatiale et spatiale à vendre leurs produits à l'étranger. Pendant ce temps, les entreprises des pays dotés d'un régime de contrôle des exportations plus équilibré, notamment les alliés de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, peuvent vendre leurs produits ou services en Chine, en Russie et dans les autres pays où les entreprises canadiennes auraient autrement pu réaliser des ventes. Il s'ensuit des occasions d'affaires perdues pour le Canada sans amélioration substantielle de la sécurité.

[traduction] « À l'instar de la plupart des pays qui exportent des produits et services militaires et de défense, les contrôles à l'exportation du Canada ne visent pas à nuire aux échanges commerciaux légitimes. Ces contrôles visent plutôt à atteindre un équilibre entre les intérêts commerciaux légitimes des exportateurs canadiens et les intérêts nationaux [en matière de sécurité] du pays. Tout en s'efforçant de trouver le juste milieu, le Canada s'efforce également de s'assurer que ses contrôles sont assez rigoureux pour permettre à ses exportateurs de bénéficier de contrôles à l'exportation américains plus souples. […] Néanmoins, l'incidence sur l'industrie et l'économie canadiennes demeure très importante. Par rapport à leurs homologues de nombreux autres pays, les exportateurs canadiens de technologies et de biens assujettis aux contrôles à l'exportation font face à des coûts plus élevés de conformité et d'opportunité (p. ex. ventes perdues). […] Contrairement à la plupart des pays, le Canada a aussi mis en place des contrôles intérieurs qui sont parmi les plus rigoureux, voire les plus rigoureux, au monde. »

Advantage Trade Controls Ltd., Aerospace Export and Domestic Controls Review, rapport de recherche commandé dans le cadre de l'Examen de l'aérospatiale, juillet 2012.

Le délai pour obtenir un permis d'exportation peut être long et imprévisible. Ce problème découle en partie de la complexité et de la portée considérable des mesures de contrôle, mais il est également lié aux types de permis utilisés et à l'efficacité des processus d'examen et d'approbation des demandes de permis. Quelle qu'en soit la cause, les répercussions peuvent être lourdes pour les entreprises aérospatiales et spatiales canadiennes qui tentent de vendre leurs produits ou services à l'étranger.

Il est recommandé que le gouvernement examine les régimes de contrôle des exportations et de contrôle intérieur pour s'assurer qu'ils ne sont pas inutilement restrictifs et que les permis d'exportation sont délivrés promptement.

Il faut maintenir en place une solide série de mesures de contrôle des exportations et de contrôle intérieur, mais on doit examiner les régimes actuels pour s'assurer que les échanges commerciaux de technologies non confidentielles ne sont pas limités inutilement en raison de définitions ou d'interprétations trop larges. Cet examen est particulièrement urgent en ce qui a trait aux mesures de contrôle visant les technologies à double usage — celles ayant des applications à la fois civiles et militaires — qui sont faciles à obtenir sur les marchés mondiaux.

Dans la mesure du possible, on devrait avoir recours à des permis d'exportation généraux et à des permis permettant de vendre des produits ou des services à plusieurs pays au lieu d'un seul. En outre, afin d'améliorer la prévisibilité pour les entreprises et d'éviter la perte de ventes en raison de retards administratifs, il faudrait respecter des délais raisonnables pour le traitement des demandes de permis d'exportation.

Parallèlement à ces efforts, le gouvernement devrait encourager les États-Unis à continuer de revoir leur réglementation du trafic international d'armes et leur régime de contrôle des exportations, puisque les industries aérospatiale et spatiale nord-américaines sont hautement intégrées et que les entreprises et les spécialistes américains eux-mêmes ont soutenu que les mesures de contrôle américaines pouvaient être excessives.

Le Committee on Science, Security, and Prosperity, sous la présidence conjointe de Brent Scowcroft (conseiller en sécurité nationale sous les présidents George H.W. Bush et Gerald Ford) et de John Hennessey (recteur de l'Université de Stanford), a exprimé ses inquiétudes concernant la rigueur des contrôles américains à l'exportation. Dans un rapport publié en 2009, il a affirmé ceci :

[traduction] « Nos contrôles à l'exportation empêchent les États-Unis et leurs alliés de partager l'accès à la technologie militaire et nuisent à la compétitivité des entreprises américaines sur le marché mondial.

[…]

Notre pays ne peut et ne doit pas renoncer aux efforts bien avisés déployés pour mettre la technologie et le savoir scientifique dangereux à l'abri de ceux qui s'en serviraient pour créer des armes de destruction massive ou d'autres systèmes militaires tout aussi dangereux. Néanmoins, cette technologie et ce savoir représentent un ensemble très limité de biens, de technologie et de connaissances. […] Une stratégie de mobilisation internationale est un moyen d'assurer la prospérité qui peut être jumelé à une approche intelligente de la sécurité faisant appel à un système souple de mesures incitatives et de règlements gouvernementaux. »

National Research Council (États-Unis), Committee on Science, Security, and Prosperity, Beyond "Fortress America": National Security Controls on Science and Technology in a Globalized World, 2009, p. 2 et 81.

Recommandation no 11 : Recouvrement des coûts liés à la certification

Le programme de certification nationale des aéronefs de Transports Canada examine et approuve chaque année plus de 1 500 produits aérospatiaux nouveaux ou modifiés qui sont fabriqués ou utilisés au Canada. Ce service de certification de sécurité est hautement respecté au pays et sur la scène internationale. Une certification rigoureuse et rapide améliore la compétitivité de l'industrie tout en protégeant la population. Si toutefois le processus de certification ralentit parce que la capacité ne permet pas de répondre à la demande, l'engorgement ainsi créé réduira la capacité de l'industrie à vendre ses produits. Cette situation ne s'est pas encore produite, mais il y a des raisons de s'inquiéter en raison de l'entrée en service de nouveaux modèles d'aéronefs, de l'augmentation du volume de production, de l'accroissement de la demande de personnel qualifié pour s'occuper de la certification et de la poursuite des restrictions budgétaires dans le secteur public.

Il est recommandé que le gouvernement mette en œuvre un mécanisme de recouvrement intégral des coûts liés à la certification de la sécurité des aéronefs.

Transports Canada est déjà habilité à percevoir des droits pour la certification de la sécurité des aéronefs, mais le ministère ne recouvre actuellement qu'une petite partie des coûts. Il faudrait renforcer les pouvoirs existants en matière de recouvrement des coûts pour accroître les revenus, qui devraient être affectés directement au maintien et à l'expansion de la capacité de certification. On devrait structurer le recouvrement des coûts de manière à protéger l'indépendance et l'intégrité réelles et apparentes du régime de certification en évitant de donner l'impression que les entreprises qui paient un montant obtiennent un traitement de faveur.

À mesure que l'on renouvellerait l'expertise du Canada en certification de la sécurité grâce à une nouvelle méthode de financement, cette compétence pourrait devenir un levier dans le contexte des négociations bilatérales sur les accords sectoriels. Une aide technique dans le domaine serait utile aux pays qui souhaitent développer rapidement leur industrie aérospatiale, et elle pourrait accélérer la validation des certifications canadiennes par les pays où nos entreprises souhaitent vendre leurs produits ou services. Toutefois, les compétences du Canada en matière de certification constituent aussi un avantage concurrentiel, de sorte que l'aide à d'autres pays pour combler leur retard ne devrait être offerte que sur la base de la réciprocité. Autrement dit, le secteur canadien de l'aérospatiale — et par ricochet l'économie canadienne — doivent obtenir des avantages concrets de ce partage de compétences.

Recommandation no 12 : Initiatives de développement de fournisseurs

Dans l'industrie aérospatiale canadienne, les médias s'intéressent surtout aux FEO et aux intégrateurs de niveau 1 très en vue. Or, le secteur compte aussi un grand nombre de petits fournisseurs. Ces entreprises se heurtent à des difficultés en raison de la mondialisation des chaînes d'approvisionnement — ce qui affaiblit tout avantage dont elles jouissaient par le passé grâce à la proximité de Bombardier et de Boeing — et des pressions pour prendre en charge une plus grande partie des coûts et du risque associés au développement de la technologie. Le Groupe de travail sur le développement des petites entreprises et de la chaîne d'approvisionnement a même décrit la situation comme une crise fondamentale pour les PME de l'industrie aérospatiale. La viabilité des fournisseurs repose sur une amélioration rapide des pratiques et des processus d'affaires.

Il incombe d'abord et avant tout aux entreprises elles-mêmes de s'attaquer à ces difficultés. Mais comme les fournisseurs jouent un rôle important dans le grand « écosystème » de l'aérospatiale — en faisant naître des idées nouvelles et en fournissant des produits et du personnel aux grandes entreprises des niveaux supérieurs —, il est approprié pour les gouvernements de s'associer avec l'industrie pour appuyer le perfectionnement des compétences en gestion des petits fournisseurs, faciliter l'échange d'information entre eux et les grandes entreprises concernant les priorités en matière de développement de technologies et de produits, et améliorer leur capacité d'exercer leurs activités à l'échelle planétaire. Un bassin de fournisseurs canadien solide et équilibré est important pour la croissance et la vitalité à long terme du secteur de l'aérospatiale.

Il est recommandé que le gouvernement participe au financement d'initiatives visant à renforcer la chaîne d'approvisionnement canadienne en aérospatiale.

L'idée de programmes de développement systématique de fournisseurs dans l'industrie aérospatiale a fait boule de neige ces dernières années. De tels programmes ont été établis par certains FEO et des entreprises de niveau 1, de même que par les efforts collaboratifs entre l'industrie et les gouvernements dans les grappes aérospatiales de certains pays, notamment le Royaume-Uni, la France et le Brésil.

Au Canada, des initiatives de développement de fournisseurs en aérospatiale sont en place ou en voie d'établissement au Québec, au Manitoba et en Ontario. La plus avancée est l'initiative MACH, partenariat public-privé mis sur pied par Aéro Montréal, qui consacrera 15 millions de dollars sur 5 ans pour aider 70 fournisseurs à mieux cerner les besoins et les attentes des FEO et des intégrateurs de niveau 1, et à acquérir la capacité interne voulue pour exercer leurs activités à ce niveauNote 7.

Initiative MACH

L'initiative MACH, lancée par Aéro Montréal, est un programme orienté vers le changement qui vise à améliorer la compétitivité et la performance de la chaîne d'approvisionnement dans l'industrie aérospatiale. Elle est articulée autour de trois grands objectifs stratégiques :

  1. Créer une culture d'affaires améliorée avec davantage d'ouverture, de collaboration et d'innovation.
  2. Accroître la compétitivité de la chaîne d'approvisionnement, une entreprise à la fois.
  3. Développer de nouvelles capacités locales en intégration.

L'initiative a aussi pour objet d'élaborer des stratégies et des projets qui aideront à combler les lacunes au chapitre des capacités en intégration au Québec et de favoriser le développement d'une chaîne d'approvisionnement de calibre mondial.

Dotée d'un budget de 15 millions de dollars sur cinq ans, l'initiative MACH cible 70 fournisseurs qui se joindront au programme en cinq cohortes annuelles. Elle aide les fournisseurs à renforcer leurs capacités dans des processus d'affaires et des secteurs d'activité clés grâce à toute une gamme d'outils et de formation.

Les petites et moyennes entreprises participant à l'initiative sont appuyées dans leurs activités par un fabricant d'équipement plus grand qui agit auprès d'elles comme parrain ou mentor. L'initiative MACH aide les fournisseurs à évaluer leur performance, à cerner les lacunes et à déterminer les mesures à prendre pour apporter des améliorations.

L'initiative a pris son envol en juillet 2011, et sa première cohorte comptait 20 fournisseurs épaulés par 9 parrains. La deuxième cohorte, entrée en septembre 2012, inclut 10 fournisseurs supplémentaires et 8 nouveaux parrains.

Source : Aéro Montréal.

Pour favoriser le développement de fournisseurs à l'échelle de l'industrie aérospatiale canadienne, le gouvernement devrait participer au financement de l'extension de l'initiative MACH à la grandeur du pays — comme le propose le Rapport final du Groupe de travail sur la chaîne d'approvisionnement — ou de programmes de portée plus régionale. Le choix entre ces options devrait être fondé sur des consultations auprès des gouvernements provinciaux et de l'industrie, qui devraient prendre en charge une partie de coûts du programme. Toute initiative de développement de fournisseurs recevant des fonds publics devrait :

  • aider les fournisseurs à comprendre les besoins des FEO et des entreprises de niveau 1 et à y répondre;
  • renseigner les fournisseurs sur les chaînes d'approvisionnement mondiales et leur donner une formation pour les préparer à faire des affaires sur le marché international;
  • être structurée de manière à ne pas nuire au regroupement de petits fournisseurs lorsqu'il s'agit d'une tendance naturelle observée dans le marché;
  • prévoir des mesures rigoureuses pour évaluer la performance et les progrès des fournisseurs participants.

Notes en bas de page

  1. 7 Pour en savoir plus sur ces initiatives, voir les sections suivantes du Rapport final du Groupe de travail sur la chaîne d'approvisionnement, « Initiative MACH », « Avantage concurrentiel » et « Esprit — Global Clusters Accelerator de l'Ontario Aerospace Council », septembre 2012. (Retour à la référence de note en bas de page 7)