Volume 2 : Vers de nouveaux sommets : les intérêts et l'avenir du Canada dans l'espace – Novembre 2012

Partie 2
Contexte

Chapitre 2.1
Pourquoi l'espace?

Dans l'imaginaire populaire, l'« espace » est généralement associé aux réalisations historiques audacieuses et aux percées technologiques, depuis le succès soviétique de Spoutnik en 1957 jusqu'au premier pas de Neil Armstrong sur la Lune, depuis la construction de la Station spatiale internationale jusqu'à l'analyse de la surface de Mars par le rover Curiosity, et depuis le Canadarm à l'œuvre jusqu'aux photos saisissantes de galaxies éloignées saisies par le télescope Hubble. L'espace est effectivement un théâtre d'exploration et de découverte, mais sur le plan strictement pratique, il s'agit simplement d'un endroit comme l'air, la terre et la mer où nous installons de l'équipement pour fournir des services qui ne pourraient pas être offerts efficacement par d'autres moyens.

Figure 1 : Altitude habituelle des actifs spatiaux et des aéronefs

Figure 1 : Altitude habituelle des actifs spatiaux et des aéronefs

Description de la figure

Ce diagramme montre l'altitude habituelle de différents types d'actifs spatiaux et d'avions. Par rapport au mont Everest, qui culmine à près de 9 000 m, les avions à réaction commerciaux volent généralement à une altitude un peu plus élevée, soit 10 000 m, tandis que les chasseurs supersoniques volent à une altitude d'environ 18 000 m. Quant à la Station spatiale internationale, elle fait le tour de la Terre à une altitude moyenne d'environ 370 kilomètres, tandis que d'autres vaisseaux spatiaux habités volent à environ 400 kilomètres d'altitude. Les satellites d'observation de la Terre sont en orbite à une altitude moyenne de 800 kilomètres comparativement à 14 000 kilomètres pour les satellites de positionnement (comme ceux utilisés pour les systèmes de positionnement mondial). La plupart des satellites météo et de télécommunications se trouvent à environ 35 000 kilomètres d'altitude.

On considère généralement que l'espace commence à une centaine de kilomètres au-dessus de la surface de la planète. En comparaison, un aéronef commercial vole rarement à plus de 12 kilomètres d'altitude.

Les activités de l'être humain dans l'espace entrent dans trois catégories.

La première, c'est la prestation de services publics à l'aide de satellites et des stations terrestres connexes, qui sont généralement achetés par les gouvernements, mais peuvent être en grande partie conçus, fabriqués et exploités par des entreprises privées. Les pays modernes ne peuvent plus se passer des satellites. Même s'ils peuvent coûter des dizaines ou des centaines de millions de dollars chacun, les satellites constituent le moyen le moins cher — et parfois l'unique moyen — de fournir une large gamme sans cesse croissante de services. Leurs nombreuses applications nous permettent notamment :

  • d'observer la météo et d'établir des prévisions météorologiques;
  • de trouver des ressources naturelles et de surveiller leur mode d'extraction et d'exploitation;
  • de surveiller les répercussions des changements climatiques;
  • d'accroître les rendements agricoles;
  • d'intervenir rapidement en cas de catastrophes naturelles et d'autres urgences;
  • de communiquer avec les collectivités isolées et de leur fournir des services en matière de santé et d'éducation;
  • de repérer les tentatives hostiles visant à traverser nos frontières ou à aborder nos côtes;
  • d'exploiter des drones et d'appuyer des déploiements militaires dans le monde entier.

Utilisation de l'imagerie satellitaire pour les secours en cas de catastrophe

Photo satellite de Haïti
La première image couvrant les principaux secteurs touchés de Port-au-Prince, le 14 janvier 2010.
Source : Satnews Daily, « MacDonald, Dettwiler and Associates — RADARSAT-2's contribution to Haitian imagery », le 21 janvier 2010.

Le satellite canadien RADARSAT-2 peut capter des images même dans l'obscurité ou dans de mauvaises conditions atmosphériques, ce qui est particulièrement utile en cas de tremblements de terre, d'inondations, de glissements de terrains ou d'autres catastrophes naturelles. Les images prises avant et après une catastrophe naturelle peuvent être comparées afin de déterminer les régions les plus durement touchées et de trouver des itinéraires praticables pour les travailleurs humanitaires et des endroits sûrs pour les installations médicales et les abris.

Après le tremblement de terre qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010, l'imagerie provenant de RADARSAT-2 a servi à évaluer l'ampleur des dommages et à orienter l'aide humanitaire. Le Canada a fourni l'imagerie en vertu de la Charte internationale « Espace et catastrophes majeures », un programme international qui utilise les données spatiales à l'appui des efforts de rétablissement et de reconstruction à la suite d'une catastrophe.

Applications satellitaires

Le Centre canadien de télédétection (CCT), de concert avec des organismes de réglementation provinciaux et fédéraux et l'Agence spatiale canadienne, élabore une nouvelle technologie qui utilise l'imagerie de RADARSAT-2 pour surveiller la déformation géomorphologique causée par l'exploitation souterraine des sables bitumineux du Canada, activité qui risque de mettre en danger les travailleurs et d'endommager les installations en service. Cette technologie permettra aux sociétés d'exploitation des sables bitumineux de relever les endroits qui posent problème et de prendre des mesures visant à prévenir les accidents.

Le CCT élabore également un système automatisé pour surveiller les répercussions environnementales de la mise en place de l'infrastructure liée aux sables bitumineux grâce à l'acquisition d'images haute résolution et multicapteurs prises par satellite. Cette technologie permettra de mieux évaluer les répercussions sur l'environnement et, dès lors, de garantir que les règlements visant à limiter les effets néfastes sont bien conçus.

Plus au nord, le Service canadien des glaces d'Environnement Canada analyse plus de 7 000 images RADARSAT-1 par an pour s'assurer que la navigation dans les eaux couvertes de glace est sûre, efficace et durable. L'utilisation de l'imagerie satellitaire a permis de réaliser des économies annuelles d'environ 7,7 millions de dollars au cours des cinq premières années, grâce à la suppression des vastes opérations de reconnaissance par aéronef. Les conditions météorologiques n'influent pas sur la surveillance effectuée grâce à RADARSAT-1, qui fournit des observations sur une plus grande région géographique que celle que pourrait couvrir un aéronef. RADARSAT-2, satellite plus récent, permet de discerner encore mieux les caractéristiques de la glace.

La deuxième catégorie concerne l'utilisation de satellites et de stations terrestres afin de fournir des services pour lesquels il existe un marché commercial, comme les télécommunications, l'information et les loisirs, et de recueillir des données brutes qui sont ensuite traitées dans des applications populaires comme Google Earth et le système mondial de localisation (GPS). En ce qui concerne cette activité commerciale, le rôle des gouvernements se limite principalement à la surveillance réglementaire et à l'obtention de positions orbitales pour les satellites d'entreprises privées.

La troisième catégorie d'activité spatiale concerne l'exploration et les sciences spatiales, qui visent principalement à satisfaire notre soif et besoin de connaissances fondamentales. Les exploits héroïques d'astronautes, les missions vers la Lune et d'autres planètes, les laboratoires spatiaux et les télescopes pour l'observation de l'espace lointain nous permettent de mieux comprendre l'univers et la place que nous y occupons. Ils constituent une source de fierté nationale et de prestige, en plus de générer des retombées technologiques et économiques. Ces activités sont presque toujours financées par le gouvernement et, compte tenu de leur envergure et de leur complexité, elles sont généralement menées à bien dans le cadre d'une collaboration internationale.

Utilisation des technologies spatiales sur Terre

L'investissement du Canada dans les technologies spatiales, comme le Canadarm, a engendré des progrès technologiques dans d'autres secteurs, notamment la santé et l'exploitation minière.

Le neuroArm, dont la technologie dérive directement des technologies du Canadarm, a révolutionné la neurochirurgie et d'autres branches de la médecine opératoire en les affranchissant de l'intervention humaine et des contraintes de la salle d'opération. Le neuroArm a été élaboré dans le cadre d'un partenariat entre l'Université de Calgary, le Conseil national de recherches du Canada et MacDonald, Dettwiler and Associates (MDA). Une cinquantaine de neurochirurgies ont été effectuées avec succès grâce à cette technologie depuis 2008, et l'on travaille à l'élaboration d'une version commerciale destinée aux marchés étrangers. Des technologies similaires sont en cours de développement pour la détection et le traitement du cancer du sein ainsi que les soins pédiatriques.

Photo de véhicules robotiques de Penquin Automated Systems
Sources : MDA; Penguin Automated Systems; Sudbury Mining Solutions Journal, « Penguin ASI robots assess Montcalm instability », le 1er décembre 2010; Northern Ontario Business, « Sudbury-born mine tech assists in Elliot Lake mall excavation », le 17 juillet 2012.

En utilisant les technologies spatiales, les travailleurs de l'industrie minière peuvent maintenant télécommander de l'équipement lourd en surface et sous terre et utiliser la robotique pour préparer les mines en vue du forage ou de l'abattage à l'explosif dans les zones dangereuses où les roches sont instables. Penguin Automated Systems de Sudbury, par exemple, a élaboré des véhicules robotiques pour procéder au levé de la mine Montcalm de Xstrata Nickel, qui a été fermée en mars 2009 après un énorme effondrement du sol. Équipés de bras robotiques dérivés des technologies du Canadarm, ces véhicules ont permis à Xstrata d'inspecter la mine et de déterminer si les opérations pouvaient reprendre en toute sécurité. En outre, des robots miniers développés par Penguin ont facilité les travaux d'excavation après l'effondrement du centre commercial d'Elliot Lake, en Ontario, en juin 2012.

« À l'heure actuelle, on ne se rend plus compte de l'importance des applications et services spatiaux. Mais presque tous les aspects de la vie moderne au Canada dépendent de l'espace — depuis l'impression de notre journal du matin jusqu'aux transactions à la station-service, depuis les émissions de télévision et les appareils mobiles de poche jusqu'aux rouages de notre système financier et au réseau d'électricité. L'espace est un véritable moteur de l'économie nationale, à un point tel que nous oublions souvent sa contribution fondamentale à notre infrastructure nationale. On estime que les applications spatiales touchent la vie de chaque Canadien de 20 à 30 fois par jour, tous les jours. »
Rapport final du Groupe de travail sur l'espace, septembre 2012.

L'importance de l'espace ne fera qu'augmenter à mesure que les progrès technologiques accroîtront le nombre d'applications spatiales et réduiront les coûts. Les activités spatiales sont devenues essentielles pour développer des économies fortes, tisser la trame de la société et protéger la sécurité et la souveraineté nationales. C'est pour cette raison que de nombreux pays cherchent à se tailler une place dans l'espace. Le Canada a été un pionnier dans ce domaine; il s'est rapidement rendu compte du potentiel et de la valeur de l'espace pour son intérêt national.